lundi 3 mars 2008

Retraite anticipée et pénibilité

Jean-François Veisset (CGPME)/Eric Aubin (CGT). Les négociations piétinent. A la veille de la journée d'initiative du 4 mars, organisées par seize fédérations professionnelles de la CGT, deux négociateurs confrontent leurs arguments.
Seize fédérations CGT appellent à faire du 4 mars une journée d'initiatives et de manifestations sur les sites, dans les départements et les régions pour exprimer leur volonté de voir aboutir la négociation pénibilité/retraite. Après trois ans de tergiversations, la CGT estime en effet que le patronat joue la montre. Eric Aubin, négociateur pour la CGT, confronte son point de vue avec Jean-François Veysset, négociateur pour la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME).

Le but de la négociation est-il bien d'aboutir à un dispositif de retraite anticipée lié pénibilité?
J-F Veysset : C'est au départ ce qui aurait dû prévaloir. Cependant, deux raisons en ont fait perdre l'axe initial. La première est le coût de la reconnaissance des carrières longues, qui a vidé les caisses du régime général. Seconde difficulté : on a de plus en plus de mal à avoir une lisibilité sur le caractère interprofessionnel, intergénérationnel voulu à la Libération en matière de protection sociale. On sent, y compris du côté patronal, des représentants de branche qui mettent en cause la solidarité par laquelle peut passer la mutualisation des ressources nécessaires à une prise en charge de la réparation.
E. Aubin : La commande du gouvernement était claire. La négociation découle de l'article 12 de la loi Fillon de 2003 portant sur la réforme des retraites. Un nouveau dispositif doit permettre aux salariés ayant été exposés au travail pénible de bénéficier effectivement de possibilité de départ anticipé en retraite. Il n'y a aucune ambiguïté. Or, la négociation traîne depuis trois ans parce qu'on a tenté d'y inclure les questions de prévention.
Quelle est votre opinion sur le critère d'espérance de vie?
E. Aubin : Le texte déposé par le Medef lors de la négociation du 26 septembre reprenait trois critères proposés par la CGT : les efforts physiques et psychiques, les rythmes de travail et l'environnement agressif. Ces critères ont des effets sur l'espérance de vie et produisent donc une inégalité face à la retraite. D'où la question d'une compensation au travers d'un dispositif de départ à la retraite anticipé. La dernière étude de l'Institut national d'études démographiques (Ined) montre qu'un ouvrier vie sept ans de moins qu'un cadre supérieur. si l'on retient le critère de vie en pleine santé, le différentiel est de dix ans. A l'automne, la négociation avait permis d'intégrer l'espérance de vie. Malheureusement, le Medef n'a pas repris ces critères lors de la séance du 6 février. Et cela nous pose problème.
J-F Veysset : On est obligé de le prendre en compte. Cela concerne des salariés dont la plupart ont des carrières longues, mais aussi des ouvriers qui ont pu, en se formant, devenir chefs d'entreprise. Eux aussi ont à faire face à des perspéctives de vie plus limitées que les cols blancs.
En tous cas, ils nous faut regarder dans un certain nombre d'activités comment rechercher un meilleure équilibre en fonction - et c'est la difficulté - d'un budget pour le réaliser. C'est pourquoi la CGPME a demandé à plusieurs reprises combien l'Etat était prêt à consacrer en matière de réparation. Il faut cependant nuancer les compensations en fonctions des préjudices subis. Globalement, lorsqu'il y a une épidémie large, seulement 50% des personnes sont atteintes, il y a encore 50% pout qui cela sera sans conséquence durable. Ceci pour dire que l'on est obligé d'individualiser les compensations. C'est pourquoi est né le concept d'un contrôle au travers une commission ad hoc, incorporant un jugement médical.
Quel type de dispositif faut-il mettre en place ?
E. Aubin : Nous voulons un dispositif qui ouvre droit à une retraite en pleine santé, ce qui exclut le recours à une commission médicale. Une commission devrait seulement valider les années de travail pénible. Nous proposons donc un dispositif en deux temps ; l'un avec effet immédiat permettant le départ de ceux qui ont été exposés, et une autre avec une perspective à plus long terme. Le premier porte sur la réparation, le second inclut la prévention. Le but n'est pas de monnayer sa santé, mais de disposer d'une retraite en pleine santé. Les propositions du Medef sont attérantes : un départ à 58 ans après 40 ans d'activité, dont 30 années de travaux pénibles, parmi lesquels dix ans quui cumulent trois facteurs de pénibilité... C'est un dispositif pour les morts.
J-F Veysset : Il s'agit effectivement de gérer progressivement ce que l'on nomme le stock et le flux. Cependant, si on doit aller vers un premier concept de réparation par la diminution du nombre d'années de carrière, on ne pourra procéder que de manière très limitée, avec une évaluation et un suivi.
Quel financement préconisez-vous ?
J-F Veysset : On pourrait trouver un équilibre avec une contribution fixe des entreprises et une contribution variable en fonction des lieux où seraient identifiés des critères de sur-penibilité. Ceux-ci restent à définir par les scientifiques. Nous avons du coté des entreprises une responsabilité en matière de prévention des risques et l'on doit approfondir les débats pour trouver une solution. Celles et ceux que je représente n'ont pas le droit de prétendre au statu quo.
E. Aubin : Réglons déjà la questiion pour ceux qui pourraient partir. Les 12 dispositifs de fin de carrière dont bénéficient chaque années 850000 salariés disparaissent. Les 9 milliards qu'ils coûtaient à l'Etat peuvent être réorientés vers ce dispositif. Il faudra éventuellement compléter par les cotisations des entreprises. C'est cette deuxième source de financement qui devra aussi être mise en place pour que le dispositif soit pérenne. Nous proposons une contribution des employeurs, avec une cotisation fixe mensualisée de l'ensemble des entreprises et effectivement, une autre variable, en fonction de résultats en termes de prévention et de santé.

Une délégation CGT de Gandrange participera au rassemblement du 4 mars devant le Medef à Metz.

Acierix vous salue

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