lundi 19 juillet 2010

Ce qui s'impose d'abord à l'observateur, ce sont ces mains qui agissent sur les planches tout en les écoutant. Des mains qui, pour pouvoir créer, s'incorporent à l'objet du travail. Puis en arrière-plan, on aperçoit l'inséparable compagnon du créateur, la machine qui traite et délivre des informations. Enfin, au cœur de la scène mais qu'on ne pourra pourtant jamais voir, il y a non pas le visage mais la tête de cet humain, bouillonnante d'idées, de questions et de solutions et emplie du ressenti de cette situation de travail. Percer le mystère de cette cognition en actes, c'est ce que voudraient pouvoir faire les ergonomes et les psychologues.

Françoise DARSES
Professeur d'ergonomie, Université Paris Sud & LIMSI-CNRS


Le Brésil... Sur le tournage d'une telenovela. Jouer le travail... Qui peut se le permettre, si ce n'est un acteur ? Mobilier et accessoires simples, coiffure et vêtements classiques, regard bas : autant d'éléments qui nous montrent la discrétion comme pré-requis du jeu de cette comédienne.
Celle-là même soumise à une double injonction : à la fois assujettie aux règles qu'implique le métier d'acteur, et à celles inhérentes au poste de secrétaire, ou du moins de la représentation qu'elle s'en fait. Cette mise en abîme de l'activité de travail révèle donc certains stéréotypes qui cachent en général la réalité de l'activité. Mais ce sont sûrement ces mêmes stéréotypes qui lui donnent une certaine crédibilité. Alors, qui voyons-nous sur ce cliché : la secrétaire ou l'actrice qui travaille ? Observer le travail, c'est aller bien au-delà des idées préconçues. Mais doit-on s'en détacher complètement ?

Etudiants du Master 2 de Psychologie du travail et ergonomie, promotion 228-2009
Université Paris Ouest - Nanterre La Défense


Obscurité, poussière, bruit, vibrations, terrain accidenté et prime de marteau-piqueur.
"Au début, ils étaient 20. A la fin du premier mois, ils étaient 10. J'ai même vu des gars qui on vu où on travaillait, ils sont repartis tout de suite. Moi, ça va pour l'instant. C'est dur, mais à la fin du mois tu as une paye, mieux que si tu es pizzaïolo. J'ai 22 ans, je suis content, mais je ne suis pas sûr de rester toute ma vie parce que je commence à avoir mal dans des endroits où je ne pensais pas pouvoir avoir mal : à l'épaule, aux genoux, aux nerfs de la main qui coincent avec le marteau-piqueur. A la fin de 4 heures de travail, je suis bloqué parfois.." -Extrait d'un entretien réalisé en 2007 avec Alexis, 22 ans, 5 ans d'ancienneté dans le secteur du BTP-

Catherine DELGOULET
Ergonome, enseignant-chercheur, Université Paris Descartes, ECI


L'homme estompé ?
Des heures, des jours pour réussir à jongler avec les outils et trouver les gestes qui permettent de rendre lisse, rendre net et faire ça vite !
Et des gestes qui ne fassent pas mal.
L'instantané en avouant - pas le flou - son incapacité à saisir l'opérateur dans ses mouvements laisse entrevoir toute l'habileté déployée.

Alain KERGUELEN
Ergonome, ingénieur CNRS, Université Toulouse le Mirail


Des siècles de vendanges, autant de courbures d'échines... et le raisin toujours aussi bas.
Seul dans sa rangée mais au rythme de ses compagnons, le travailleur voûté, le travail camouflé : un coup d'œil pour choisir un raisin mûr, un coup de sécateur pour le prélever et un tour de reins pour remplir la bouillie.
Travail à la chaîne en plein air : le cueilleur avance plié au rythme des grappes, rendement oblige, contrôle des volumes garanti.
Pourvu que l'ambiance soit bonne au repas.
Et si on jouait ce soir à saute-mouton en dégustant un bon petit verre de vin bourru ? Le premier soir peut-être, mais sûrement pas le dernier ! Travailleur cassé.

Gabriel CARBALLEDA
Ergonome consultant, cabinet Indigo Ergonomie, Mérignac
Professeur associé à l'Université de Bordeaux 1


Bunker palace et la quadrature du siècle.
Voici donc le centre névralgique de l'économie de marché : la Bourse.
Point de traders fébriles, la cravate dénouée, vociférant des ordres d'achats et de ventes. Des rangées d'ordinateurs sous une charpente de béton, en carrés concentriques autour d'un espace vide. Froid et feutré. L'uniforme des employés, reprenant la couleur de la moquette, souligne la déshumanisation d'un monde où la calme rationalité de la technique semble s'être substituée à l'imprévisible exubérance des hommes. La géométrie des angles droits a remplacé l'espace chaotique de a corbeille. L'ordre du marché règne. Avant la tempête.

Jérôme GAUTIE
Economiste
Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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