lundi 22 mars 2010

Adieu camarade


Plus de 5 000 personnes se sont déplacées pour rendre un hommage simple et émouvant à Jean Ferrat. Toute "sa France" est venue saluer le poète, l'homme droit et le militant fidèle.

Il faisait beau ce jour-là. Ils sont venus de partout. Du pays d'ici. De là-bas. De Lorraine, de Lyon, de Lille, de Marseille, de Saint-Etienne. Seuls ou en bandes de vieux copains pour qui Ferrat était un ami, un camarade, un compagnon de toute une vie. Tiens, une môme de Saint-Ouen... Il y a ceux qui connaissent les chansons par le menu, les fredonnent en riant. Parfois, un refrain roule dans la foule qui le reprend en chœur, en cœur, puis ça s'arrête. On se sourit, "Que la montagne est belle..." Ils sont venus à pied, en navettes affrétées pour l'occasion, à vélo, à moto. Les plus prévoyants déballent le casse-croûte maison, on mange à la bonne franquette, sur un bout de banc ou adossé à un tronc d'arbre, et toujours au soleil qui réchauffe les corps mais n'adoucit pas la peine.
C'est le peuple de Ferrat qui est là, sa France. A nouveau une chorale populaire, de ce côté-ci de la place, entonne la Montagne. En voilà un qui dissèque chaque parole, chaque vers de ses chansons préférées : "Tu aurais pu vivre encore un peu...", "Nul ne guérit de son enfance", c'est celle-là sa préférée. Ses amis acquiescent. "Il n'y a plus personne pour parler au cœur des gens. Plus d'artistes. Plus de politiques. Plus de philosophes". C'est bien le peuple de Ferrat qui est là. Pas les mondains-mondaines, les m'as-tu vu qui posent dans les magazines. Des gens simples, de simples gens. Certains ont revêtu leurs plus beaux atours. Une jeune femme fredonne Ma France à l'oreille de son compagnon. Et si sa famille politique de cœur est bien là, côté autorités officielles, on ne s'est pas bousculé au portillon. Le ministre de la Culture a prétexté un voyage quelque part à l'autre bout du monde et s'est contenté d'envoyer son directeur de cabinet. Pas très élégant tout ça. Mais peut-être pas si étonnant.
La place de la Résistance bruisse de confidences que le vent léger emporte. L'église du village est bien vide et sonne désespérément les heures et les demies. Vers 14 heures, la foule se rapproche, se resserre. L'émotion se fait palpable et nul ne retient ses larmes lorsque son frère prend la parole. Et lorsque Francesca Solville entonne a cappelle Ma France, cet hymne humaniste et révolutionnaire salué par des applaudissements à l'évocation de Robespierre, de la Commune, du Front populaire ou de mai 1968, on serre le poing au fond de sa poche trouée. Isabelle Aubret a chanté C'est beau la vie, cette chanson que Ferrat lui avait composée et que la foule murmure avec elle.
On a séché nos larme, ravalé notre peine, refait la route à l'envers tandis que la voix de Jean Ferrat chantant La Montagne nous accompagne et s'envole vers les sommets lointains encore enneigés.
Ferrat aurait aimé cet instant. Un instant parmi tant d'autres qu'il nous reste à partager avec ses chansons qui nous parlent d'amour, d'utopies et autres chants du possible. Sa droiture, son honnêteté, cette douceur qui émanait de lui en même temps que la force de ses convictions, tout ça et bien plus ne nous quittent pas. On était Beatles ou Rolling Stones. On restera Ferrat. Eternellement.

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