mardi 6 avril 2010

Les 4 idées fausses

"Puisque nous vivons plus longtemps, nous devons travailler plus longtemps"
C'est avoir une bien singulière conception des progrès de civilisation. L'histoire contemporaine montre que, abstraction faite de la mortalité précoce, la durée de vie hors travail n'a cessé de croître. Et la durée du travail de baisser. Ainsi, le travail des enfants a reculé pour faire place à la formation initiale et, les gains d'espérance de vie aidant, le temps consacré à la retraite n'a cessé de s'allonger sans pour autant remettre en cause la capacité de croissance. L'activité sociale, bénéfique pour la société tout entière, ne s'arrête pas lorsque cesse le travail salarié. Les retraités ne sont pas des parasites qui vivent aux crochets des actifs. Ils participent, eux aussi, au développement de l'activité de l'ensemble de la collectivité et à la croissance. Mais le gouvernement, avec la loi Fillon, a décidé arbitrairement que dorénavant le rapport constaté en 2003 entre la durée d'assurance et la durée moyenne des retraites devait rester constant jusqu'en 2020. Et qu'en conséquence tout gain d'espérance de vie devait se traduire par un allongement de la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein.

"Le nombre de retraités va augmenter, rendant impossible le financement des retraites"
Il est exact que le nombre de retraités augmente. Mais faut-il le déplorer ? Bien sûr que non. Il convient même au contraire de s'en réjouir.
En 1950, la France comptait 6,7 millions de personnes de plus de 60 ans et 12 millions en 2000. Elles sont aujourd'hui 14,7 millions selon les derniers chiffres de l'Insee. Cela nécessite-t-il de consacrer davantage d'argent à la retraite ? Evidemment. En 1959, l'ensemble des dépenses de retraite représentait 5,4 points de PIB et 13,2 en 2007... Les gains de productivité ont permis de doubler en trente ans la part de PIB consacrée à la retraite sans mettre l'économie par terre.
Si nous sommes en période de crise, c'est parce que les dividendes sont préférés à la protection sociale du fait de la financiarisation à outrance de l'économie. Mais des solutions existent pour financer durablement les retraites.

"Les taux de cotisation sont trop élevés et handicapent l'emploi"
Le patronat et les forces politiques qui le soutiennent ont toujours eu une aversion profonde pour la protection sociale. Dès son origine, ils ont considéré qu'elle constituerait un handicap insurmontable pour l'économie. L'histoire leur a pourtant donné tort. Loin d'être un frein pour l'économie, une protection sociale de haut niveau constitue un moteur pour la croissance. D'ailleurs, dans la crise que nous traversons, tout le monde s'accorde pour reconnaître que ce sont les pays où la protection sociale est le plus développée qui ont le mieux résisté.
Quant à comparer les taux de cotisations français et européens, cela n'a pas grand sens. La France a ainsi fait le choix d'un financement socialisé assis principalement sur le travail quand nombre de nos voisins européens ont, eux, privilégié l'impôt. La comparaison en points de PIB apparaît donc plus juste. La part de PIB consacrée à la retraite est, par exemple, sensiblement la même en France (12,5 % en 2003) et en Allemagne (12,4 % en 2004).

"Reporter l'âge légal de départ en retraite n'est pas un problème puisque les salariés liquident leurs droits à 61 ans passés"
L'âge légal de départ à la retraite étant de 60 ans, si l'âge moyen de liquidation de la retraite est supérieur à 60 ans, cela s'explique par la nécessité de compenser les années de chômage, d'invalidité ou de RMI. Si on reportait l'âge légal à 61 ans, on peut parier, sans risque de se tromper, que l'âge moyen passerait au-dessus de 62 ans. Cela justifierait-il pour autant de reporter l'âge légal à 62 ans ? On voit bien là le caractère pervers d'une telle logique. Et surtout son inefficacité : sachant que seulement un salarié sur trois est en activité à l'âge de 60 ans, reporter l'âge de la retraite signifierait pour deux salariés sur trois, en situation de chômage ou d'invalidité, de longue maladie ou encore au RMI, de les maintenir plus longtemps dans cette situation d'insécurité, ce qui en outre alourdirait les dépenses sociales sans recettes supplémentaires pour les retraites.

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