jeudi 15 avril 2010

Retraite à 60 ans : mettre toutes les forces dans la bataille

Les négociations syndicats/gouvernement et patronat se sont ouvertes le 12 avril. Nous connaissons les intentions véritables du gouvernement et des patrons. Elles sont contraires aux attentes des salariés et des retraités et ne correspondent pas du tout aux propositions de la CGT. Pour empêcher une profonde remise en cause du système actuel de retraite et la fixation de l'âge de la retraite au-delà de 60 ans, il va falloir que les salariés s'en mêlent. La CGT et les autres syndicats sont prêts à livrer bataille.

Nous revenons sur les points clefs de la retraite et l'enjeu de ces négociations. 18 ans, l'âge de la majorité. 60 ans, celui de l'émancipation du travail salarié. Ces repères collectifs fondent la vie des Français. Ils sont d'ailleurs, pour ce qui est de la retraite, une grande majorité à refuser qu'on y touche. Et ce malgré le matraquage qu'on leur assène depuis des années pour justifier une "courageuse réforme" qu'on veut leur faire payer. Ils ont bien raison ! Voici pourquoi.


LA RETRAITE A 60 ANS : C'EST LE BON ÂGE !
Selon l'un des derniers sondages réalisés, 67 % des personnes interrogées sont hostiles au recul
de l'âge de la retraite au-delà de 60 ans, et 62 % à un allongement de la durée de cotisation. 93 % sont défavorables à une diminution du niveau des retraites, et 74 % n'ont pas du tout envie d'une hausse des cotisations. La réponse est claire : les Français veulent partir en retraite à 60 ans, pas plus, avec une pension à taux plein leur permettant de vivre correctement. Et ils n'ont pas l'intention de payer plus pour ce droit, alors que d'autres exhibent sans honte leurs retraites chapeaux (800 000 euros paran pour Michel Pébereau, président de BNP Paribas, 1 million pour Henri Proglio, au titre de sa carrière chez Veolia, 2,1 millions d'euros pour Antoine Zacharias, l'ex-PDG de Vinci...) payées par leurs entreprises. Ils n'ont pas du tout envie non plus que l'âge légal de 60 ans, celui à partir duquel on a le droit de partir à la retraite, soit vidé de son sens par un allongement de la durée de cotisation nécessaire pour avoir une retraite à taux plein. Ils refusent ce "choix" que tente de leur imposer le gouvernement : travailler vieux ou devenir un retraité pauvre.


POUR NE PAS MOURIR AU TRAVAIL
La retraite à 60 ans est une vieille revendication du mouvement ouvrier. Simplement pour ne pas mourir au travail. Le droit à la retraite ne suffit pas, encore faut-il en profiter. Alors que l'Allemagne mettait en place un système d'assurances sociales dans les années 1880, le chancelier Bismarck aurait, paraît-il, demandé à ses conseillers à quel âge fixer le droit à pension pour que cela ne coûte rien ! En France, après le vote en 1910 de la première loi sur "les retraites ouvrières et paysannes" fixant à 65 ans le droit à pension, la CGT avait fustigé "une loi pour les morts", estimant que seuls 50 % des travailleurs atteindraient cet âge. La revendication de la retraite à 60 ans émerge à nouveau fortement au début des années 1960 portée par la CGT et la CFDT. A l'époque, l'espérance de vie à 35 ans d'un manœuvre est d'à peu près 33 ans, soit jusqu'à 68 ans. Certes, les choses se sont améliorées. Mais très inégalement.
Aujourd'hui, à 60 ans, il reste en moyenne 17 ans d'espérance de vie à un ouvrier, 19 ans à un employé et 22,5 ans à un cadre. Et cette vie risque de ne pas avoir la même saveur pour tous. Car le travail casse. Un ouvrier de 35 ans peut espérer vivre sans incapacité physique ou sensorielle (surdité notamment) jusqu'à 59 ans seulement, soit dix ans de moins qu'un cadre. Parler de repousser l'âge de la retraite est indécent.



PARCE QU'À 60 ANS ON S'EST DÉJÀ FAIT EJECTER DU TRAVAIL
A 60 ans, une grande partie des salariés ne sont déjà plus dans l'emploi. Parce qu'ils sont malades, invalides. Parce qu'ils se sont fait éjecter de leur entreprise, avec plus ou moins d'égards, jugés moins "performants", et ne parviennent plus à retrouver du travail, malgré les déclarations
et les multiples dispositifs sur l'emploi des "seniors". Seule une grosse moitié de 55-59 ans ont un emploi (l
e taux d'emploi des 55-59 ans était de 55,3 % en 2007, de 56,3 % en 2008). Et l'âge moyen de sortie de l'emploi est un peu inférieur à 59 ans. En prônant le recul de l'âge de la retraite, le patronat n'a pas peur des contradictions ! A moins qu'il ne voit un intérêt à fabriquer des vieux chômeurs pauvres, qui, d'ASSEDIC en allocation spécifique de solidarité ou RSA, basculeront progressivement vers l'assistance payée par l'Etat avant de terminer enfin en retraités miséreux. En 1972, on avait pourtant enclenché le processus inverse, en garantissant aux licenciés de plus de 60 ans (puis aux démissionnaires en 1977) 70 % de leur salaire jusqu'à l'âge de la retraite, soit 65 ans à l'époque, par cumul de l'allocation publique et de l'allocation Unedic. Avant de régler le problème par la retraite à 60 ans en 1983. Alors reparlons d'un éventuel recul de l'âge de la retraite quand les quinquas pourront garder leur travail !


PARCE QU'UNE AUTRE VIE COMMENCE À 60 ANS
La retraite à 60 ans est un repère collectif, indispensable dans un système fondé sur la solidarité et non pas sur l'accumulation de droits individuels. Comme 18 ans est l'âge de la majorité politique, 60 ans est celui de l'émancipation du travail salarié, du travail contraint. Le temps de faire enfin ce que l'on veut, ce que l'on aime, alors qu'on en a encore les capacités. Ce qui n'a rien à voir avec un quelconque retirement égoïste. Les retraités, pour peu qu'ils aient un niveau de vie correct, sont des consommateurs qui font tourner la machine économique et contribuent donc à créer des emplois pour les plus jeunes. Ils aident leurs enfants et gardent leurs petits-enfants, quoi de mieux comme solidarité entre générations ? Ils jardinent, cousent et tricotent, de quoi satisfaire les adeptes du "développement durable". Ils font partager leur expérience et leur savoir-faire en militant dans les associations, les syndicats, les partis politiques. Est-ce cela qui gêne, un bataillon de retraités en pleine forme et revendicatif ?


EXIGEANCES CITOYENNES SUR LES RETRAITES : L'APPEL DE SYNDICALISTES, ÉLUS, RESPONSABLES POLITIQUES ET ASSOCIATIFS, UNIVERSITAIRES...











QUESTIONS-RÉPONSES SUR LA RETRAITE : CE QU'EN PENSE LA CGT


Le gouvernement entend persister dans la voie des réformes précédentes. Dans le même temps, le président affirme qu'il n'est pas question de toucher au niveau des pensions. Ces deux positions ne sont-elles pas incompatibles ?

Elles le sont absolument. C'est en tout cas ce que montrent les conséquences des précédentes réformes dont la CGT demandait qu'un bilan soit dressé. Les réformes de 1993 et de 2003 ont consisté à jouer sur des paramètres qui ont entraîné une forte baisse duniveau des pensions : autour de 20 %. Deux points précis sont notamment à l'origine de ce recul : le passage des dix meilleures années aux vingt-cinq meilleures années pour l'établissement du salaire de référence servant au calcul du montant des pensions dans le secteur privé et l'indexation, sur les prix et non plus sur les salaires, des salaires portés au compte. Nous avons besoin de tirer bilan de ces deux réformes. Elles montrent en effet que jouer sur le seul paramètre de l'allongement de la durée de cotisation non seulement ne règle aucunement le problème du déséquilibre de nos régimes de retraite mais dégrade de plus considérablement le niveau des pensions. En prétendant ne pas toucher au montant des retraites, le président de la République occulte ces conséquences et trompe donc les salariés.


Le g
ouvernement semble prêt
cette fois-ci à satisfaire une vieille revendication du patronat : le recul de l'âge légal de départ en retraite. Quelles seraient
les conséquences d'une telle mesure dont d'aucuns prétendent
qu'elle ne changerait rien, l'âge de départ effectif étant déjà supérieur à 61 ans ?

Il y a beaucoup de confusion concernant les âges. Il ne faut pas confondre l'âge de cessation d'activité qui est aujourd'hui de 58 ans et 9 mois en moyenne, l'âge légal de départ en retraite qui est de 60 ans et l'âge effectif de départ en retraite qui est, lui, toujours en moyenne de 61 ans et demi. Prétendre que reporter l'âge légal ne changerait rien, puisque l'âge effectif de départ en retraite lui est supérieur, est évidemment une absurdité. D'abord parce que l'âge légal étant l'âge minimum à partir duquel on peut faire valoir ces droits à la retraite, l'âge moyen effectif de départ est forcément supérieur. C'est arithmétique. Ce qui signifie que si demain l'âge légal était porté à 61 ans,il y a fort à parier que l'âge de départ effectif passerait à 62 ou à 63 ans. Ensuite, parce que si l'âge effectif de départ en retraite augmente, c'est la conséquence des réformes précédentes qui, en durcissant les conditions d'accès à la retraite, contraignent de plus en plus de salariés à poursuivre leur activité parce qu'ils n'ont pas le plein de leurs droits à 60 ans. Enfin, reporter l'âge légal de départ en retraite ou allonger la durée de cotisation a exactement les mêmes effets. Il est clair que si la prochaine réforme devait reporter l'âge de départ en retraite et/ou allonger la durée de cotisation, la première conséquence serait une nouvelle baisse
du niveau des pensions.


En même temps, comment peut-on assurer aujourd'hui l'effectivité du droit à la retraite à 60 a
ns ?

En fait, le problème auquel nous sommes confrontés est le problème de la carrière. C'est pourquoi la CGT demande qu'on revisite la notion de carrière complète. Aujourd'hui, les jeunes rentrent en moyenne sur le marché du travail à 23-24 ans, ils trouvent un emploi stable autour de 30 ans, ensuite, entre 30 et 50 ans, là où le taux d'activité est le plus fort, ils connaissent une précarité qui s'est beaucoup accrue ces dernières années. Et à partir de 50 ans commence ce que j'appellerai "l'effet senior" qui les pousse à sortir de l'entreprise. Les analyses précises sur la sortie des seniors montrent en effet un décrochage à partir de 50 ans, ce qui fait qu'à 60 ans, il n'y a plus que 40 % des salariés qui sont au boulot. Le problème d'emploi est global. Il va falloir 41 ans de cotisations en 2012 pour avoir droit au plein de ses droits. Quel est aujourd'hui le salarié qui, rentrant sur le marché du travail à 23 ans, aura le plein de ses droits à 60 ans ? Il faut donc bien revoir cette notion de carriè
re complète.


Qu'est-ce que cela signifie concrètement ?

Pour nous, revoir la notion de carrière complète, c'est examiner comment il est possible de mettre en œuvre des dispositifs de solidarité permettant aux salariés de faire valoir des périodes qui aujour
d'hui ne sont pas prises en compte dans les droits à retraite. C'est notamment le cas des périodes d'étude et de formation. Nous proposons ainsi qu'à partir de 18 ans, qui est l'âge revendiqué par la CGT pour la scolarité obligatoire, tout le monde puisse valider des droits à la retraite par une cotisation qui pourrait être prise sur la solidarité nationale. La période de formation constitue en effet un atout pour toute la société y compris pour les entreprises, puisqu'elle concourt à augmenter le niveau de qualification et à améliorer la productivité du travail. On peut très bien envisager une part de solidarité vis-à-vis de ces jeunes et ensuite faire en sorte que, jusqu'à l'âge auquel ils prétendent faire valoir leurs droits à retraite, ils puissent faire valider des droits qu'elle que soit leur situation.
Il s'agit, en quelque sorte, de construire, à côté de la Sécurité sociale professionnelle, une sécurité concernant les droit à la retraite de façon à ce que le salarié ait véritablement le choix de partir ou de rester au travail. La CGT ne revendique pas que tous les salariés partent à 60 ans, nous demandons simplement qu'ils puissent le faire. Ajourd'hui, beaucoup de salariés n'ont d'autre choix que de continuer à travailler parce qu'ils n'ont pas le plein de leurs droits et qu'ils disposent d'une pension trop faible.



Comment peut-on aujourd'hui augmenter les ressources de notre système de retraite ?

La CGT fait toute une série de propositions. La première est d'élargir l'assiette des cotisations. Un rapport de la Cour des comptes chiffrait l'an passé entre 8 et 9 milliards d'euros le manque à gagner que représente pour notre système de protection sociale le fait que tout un ensemble d'éléments de rémunération, l'intéressement, la participation en encore les stock-options, n'est pas soumis à cotisations. Il y a là une source de financement chiffrée autour de 3 milliards pour l'assurance vieillesse. Ce n'est pas rien.
La CGT propose également une modulation des cotisations en fonction du rapport masse salariale sur valeur ajoutée. Cette modulation serait favorable aux secteurs à forte main-d'œuvre mais serait aussi de nature à favoriser l'emploi et les entreprises qui jouent le jeu en matière salariale. Davantage de salaire, c'est forcément plus de cotisations. Troisième élément, il existe aujourd'hui une politique aberrante d'exonération des cotisations sociales. La CGT revendique une remise à plat de ces exonérations et leur conditionnement à des objectifs notamment en matière d'emploi. Il n'est pas possible de distribuer de l'argent aux entreprises sans aucune condition. Certaines d'entre elles perçoivent ces aides alors qu'elles licencient, elles se servent de cet argent pour financer les plans de sauvegarde de l'emploi, ce qui est proprement scandaleux.
Enfin, nous ne sommes pas opposés à une augmentation des cotisations : d'abord d'employeurs et ensuite salariés. Tous les sondages de la dernière période montrent d'ailleurs que les salariés préfèrent une augmentation de leur cotisation, si on leur garantit un départ à 60 ans et un niveau de pension qui leur permet de vivre dignement, à l'allongement de la durée du travail après 60 ans. Je crois qu'ils sont lucides sur le niveau d'emploi dans ce pays et sur le côté illusoire de l'allongement de la durée du travail : on n'arrête pas de nous rabâcher qu'il faut travailler plus longtemps, sauf qu'on n'est pas fichu de donner du travail aux plus de 55 ans...

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