jeudi 7 janvier 2010

Une société pour tous les âges

La France compte 13 millions de retraités et ils seront demain aussi nombreux que les actifs. Cette nouvelle donne démographique invite à repenser dès aujourd'hui l'organisation d'une "société pour tous les âges".


L'espérance de vie à l'âge de 65 ans a doublé au cours du dernier demi-siècle
La durée de vie s'allonge de presque un trimestre chaque année, au point qu'elle est aujourd'hui en moyenne de 87 ans pour les femmes et de 83 ans pour les hommes. Les plus de 60 ans sont au nombre de 13 millions en France, soit 22 % de la population totale. Ils représenteront un tiers un
tiers dans une vingtaine d'années, c'est-à-dire presque autant que les actifs.
Pour la première fois, cinq générations vont coexister en simultané dans la société. On vit de plus en plus vieux en bonne santé. Seuls 15 % des retraités connaissent des troubles de dépendance. Autrement dit, la grande majorité de ceux qui arrivent à l'âge de la retraite ont encore devant eux 20 à 25 années à vivre en bonne santé. Même s'il convient de tenir compte, bien évidemment, des fortes inégalités en matière d'espérance de vie et de santé dues au contexte socioprofessionnel des individus.


L'allongement significatif de la durée de vie en bonne santé devrait être une bonne nouvelle pour l'humanité
Pourtant, force est de constater que le regard porté sur les retraités est plus souvent péjoratif. L'avance en âge n'est pas considérée aujourd'hui comme un facteur d'expérience, de maturité, comme un élément positif. Les retraités apparaissent d'abord comme un coût à travers les débats sur la réforme des retraites, le budget de la Sécurité sociale ou la politique de la dépendance. On les culpabilise d'être des inactifs,
des inutiles et pourquoi pas des parasites de la société.
Le discours patronal sur la "rentabilité" entretient cet
état de chose. Nous vivons dans une société de la
performance où le jeunisme est érigé en norme sociale
Une société largement inadaptée à la nouvelle donne
démographique


La massification des retraités pose en termes nouveaux la question de leur place et de leur rôle dans la société
Car ils sont toujours actifs et à la recherche d'une nouvelle utilité sociale, dépassant le simple cadre familial ou le recours en cas de difficulté passagère (aide aux enfants et petits-enfants, soutien scolaire, bénévolat aléatoire en cas de force majeure, etc.). Le retraité d'aujourd'hui a sans doute des envies, des aspirations différentes de celles du retraité d'hier, puisqu'il apparaît plus "jeune" à l'âge de 60 ans que ne l'était son homologue vingt ans plus tôt. Poser ainsi la question du sens de la vieillesse, du sens de la vie des retraités revient à poser la question d'une vie possible hors travail. Et là, c'est une petite révolution car notre société reste largement structurée autour du travail et de l'économie. Poser la question du sens de la vieillesse doit aussi contribuer à modifier le regard porté
sur les vieux... Et cela peut être libérateur. Le regard de l'autre participe en effet à l'estime de soi.


La nouvelle donne démographique oblige à apprécier l'évolution des besoins des retraités pour mieux y répondre
Et pas seulement en termes de pouvoir d'achat, même si la question est évidemment centrale quand on sait que 53 % des retraités disposent d'un revenu inférieur à 1 200 € et que 64 % des femmes perçoivent une pension inférieure à 900 €. Mais, construire une société pour tous les âges, c'est aussi conquérir un nouvel environnement où habitat, transport, services seront pensés pour les retraités, où les politiques de santé permettront de préserver leur autonomie en organisant l'accès à des soins de qualité, où les portes de la formation, de la culture
et des loisirs leur seront plus largement ouvertes, etc.
La construction d'une société pour tous les âges doit aussi favoriser l'expression des solidarités intergénérationnelles et cette question n'est pas mineure au moment où tout est fait pour opposer les générations entre elles.

Le syndicalisme a une responsabilité particulière pour répondre aux besoins et aux attentes des retraités.
Or, le sujet est relativement peu abordé dans la CGT. Les questions relatives au départ à la retraite d'une part et à la fin de vie d'autre part sont mieux traitées que celles qui concernent la vie des retraités précisément entre ces deux phases de leur existence. Il est donc urgent de changer de braquet en conduisant la réflexion avec les retraités eux-mêmes. De ce point de vue, il n'est pas inutile de s'interroger, comme invite à le faire le document d'orientation du 49e congrès, sur la structuration de l'organisation syndicale susceptible d'être la plus efficace possible. Ne conviendrait-il pas de privilégier l'échelon territorial, sachant que la plupart des retraités ont rompu le lien avec leur entreprise d'origine ?

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